18/09/2012

Un léger déplacement, par Marie Sizun (2012)


"Fatiguée, à présent, épuisée - comme si elle avait marché loin, longtemps. Elle ferme les yeux. Ce n'est pas qu'elle soit triste. Pas du tout triste. Juste fatiguée. Oui c'est ça. Une fatigue heureuse, où se mêlent beaucoup de choses. Comme si lui lui avait raconté une histoire. De ces belles histoires tristes qui font plaisir, qui vous remplissent de joie, même si elles donnent envie de pleurer. Elle s'endort."

(réf: Un léger déplacement, Marie Sizun, 2012, Editions Arléa, Paris.)


02/09/2012

Voyages, d'Emmanuel Finkiel (1999)


"Dès son court-métrage (récompensé d'un César il y a quelques années), Emmanuel Finkiel (ancien assistant de Jean-Luc Godard et Kristof Kieslowski), nous mettaient face à face avec des rescapés des camps nazis. Ces visages dévastés, ces mains sillonnées, ces bras tatoués, Finkiel savaient déjà les filmer avec humilité et sobriété, sans artifice, presque «à distance», mais avec une humanité infinie. Son long-métrage, VOYAGES, récompensé aux César 2000 pour la meilleure première oeuvre de fiction et pour le meilleur montage, est une extension, un développement et un prolongement de son court-métrage. On y retrouve d'ailleurs quelques-uns des mêmes interprètes (tous non-professionnels), la même musique de la langue et des accents hébraïques, la même problématique: la difficulté pour les victimes de la Shoah de nouer des liens entre eux après la tragédie, leur profond sentiment d'isolement, leur peine irrévocable. Le titre VOYAGES raconte déjà d'une certaine façon des éclatements, des dispersions, des ermitages. Il évoque aussi, par la musicalité, l'idée de «voie», de «voix», et de «voir», mais également de «l'âge», et du «je», enfouie et imprégnée dans le film de Finkiel. Une oeuvre à grande part autobiographique mais résolument fictionnelle. Une fiction juste.

VOYAGES nous propose de suivre, de nos jours, les trajectoires de trois dames juives, marquées par leur emprisonnement dans des camps de concentration. Le film est divisé en trois parties, dans trois lieux différents: d'abord la Pologne, ensuite la France puis l'Israël. Trois portraits de femmes. Même s'il avoue aujourd'hui ne pas avoir choisi consciemment trois héroïnes, le spectateur ne peut que ressentir au fond un sentiment d'héritage, de chaleur et de naissance à la vision de ce triptyque féminin. Finkiel oppose pourtant inlassablement la femme à la mort, telle la première scène. Un groupe de rescapés arrivés en car visite un cimetière. La vieille dame, rare survivante d'Auschwitz, que l'on va apprendre à connaître dans le premier et le troisième fragment du film, reste un moment assise, seule, mais le groupe ainsi que son mari l'oublient et partent du cimetière sans elle, alors abandonnée et emprisonnée une nouvelle fois au milieu de la mort. La scène, stupéfiante, laisse entendre dans le fond des bruits stridents de machines et des craquements de bois. Bruits a priori anodins et logiques (on voit un employé débroussailler les mauvaises herbes autour des tombes), mais qui paraissent infiniment irréels et horribles pour cette femme, des sons infernaux venus d'un autre temps, comme si des fantômes revenaient à la surface."
(ref:http://www.cadrage.net/films/voyages/voyages.html)

21 rue de la Boétie, par Anne Sinclair (2012)

""La galerie de Paul Rosenberg (1881-1959) se situait à Paris "21 rue La Boétie", titre du livre d'Anne Sinclair publié mercredi par Grasset. Son flair lui fit acquérir des oeuvres des plus grands artistes de son temps et constituer une formidable collection.

"Attirée malgré moi par cette adresse et par l'histoire tragique qui y est attachée, j'ai eu envie de revisiter la légende familiale", explique Anne Sinclair, née à New York le 15 juillet 1948, directrice éditoriale de la version française du Huffington Post et épouse de Dominique Strauss-Kahn depuis 1991. Cette question du guichetier de la préfecture de police, "on l'avait posée pendant la guerre à des gens qui devaient bientôt monter dans un train... Cela a suffi à raviver en moi le souvenir de mon grand-père obligé de fuir, car déchu de sa nationalité parce qu'il était juif". Et qu'aurait-il dit "s'il avait vu que j'étais née Anne Schwartz dite Sinclair, un état civil modifié en 1949 par décision du Conseil d'Etat".

Sur la couverture du livre, on voit la petite Anne, une main dans celle de Paul Rosenberg, tendrement penché vers elle. "Ce livre raconte son histoire qui, indirectement, est aussi la mienne." "Je me suis plongée dans les archives. J'ai voulu comprendre l'itinéraire de mon grand-père, intime de Picasso, Braque, Matisse, Léger, devenu paria sous Vichy", souligne la journaliste, qui évoque aussi dans son livre la liaison de sa grand-mère avec un autre grand marchand d'art. Fils d'un antiquaire parisien, Paul Rosenberg, qui avait ouvert sa première galerie à Paris en 1911, puis une autre à Londres dans les années 1930, s'est rapidement intéressé aux peintres qui allaient devenir les grands de l'art moderne, tout en vendant des impressionnistes. En 1918, il devient le principal représentant de Picasso en France et à l'étranger, jusqu'en juin 1940 quand il émigre aux Etats-Unis.
Avant de partir, il tente de mettre ses quelque 400 tableaux à l'abri. Mais les nazis parviennent à s'emparer d'une grande partie de ceux restés en France. Plusieurs tableaux pillés ont été localisés ces vingt dernières années, restitués à la famille et vendus. A sa mort, Paul Rosenberg laisse deux héritiers, sa fille Micheline -la mère d'Anne Sinclair disparue voici cinq ans- et son fils Alexandre, décédé en 1987, qui avait repris la galerie new-yorkaise.

"En mai 2011, écrit Anne Sinclair, dans des circonstances douloureuses, je me suis retrouvée contrainte de vivre à New York, soudain prisonnière (...) Chaos de la réalité qui trébuche sur les souvenirs sucrés de l'enfance." "
(réf:http://www.rtl.be/loisirs/livresbd/sorties/733745/anne-sinclair-raconte-son-grand-pere-dans-21-rue-de-la-beotie-)