15/01/2014

Quoi? L'Éternité (1988) de Marguerite Yourcenar

Cette année passée m'a lancé sur les femmes et leurs livres. Marguerite Yourcenar, ma grande découverte de 2013, une passion... J'ai commencé ses romans autobiographiques (trilogie comprenant d'abord Souvenirs pieux (1974) et Archives du Nord (1977)) en commençant étrangement par le dernier. Le titre me faisait sans doute rêver.


Passage choisi (partie du Trépied d'or) :
"Les dames qui arpentent cette plage d'avant-guerre ne prévoient rien de tel, et ne se disent pas non plus que les baleines qui dessinent leur taille et soutiennent leur col ont récemment fait partie de bêtes sorties de la mer. Des fumées s'exhalent des lèvres sous les moustaches et au dessus des barbes, polluant le bon air qu'on était venu chercher. Des baigneurs en caleçons rayés descendant jusqu'aux genoux, la poitrine couverte d'ancres, piquent une tête dans les vagues ou jouent au ballon. Des baigneuses entuniquées et culottées de laine bleu marine, pourvues jusqu'à mi-cuisse d'un chaste volant assorti, se font asperger par la marée montante et s'enfuient en criant, alourdies par l'eau et le sable amassés dans leurs fond de culottes. A l'heure où le flot recule épouvanté, les humbles et beaux chevaux traînent les loueurs de cabines roulantes vers la marée basse. A en juger par les emballages de papier d'argent et les papiers gras qui jonchent la plage à demi sèche, la vente des chocolats et des sandwichs doit édifier des fortunes."

Enfance (1983) de Nathalie Sarraute


Roman autobiographique, écrit à deux "voix", de l'ordre de l'introspection, du souvenir et de l'analyse. Mon premier roman de Nathalie Sarraute. Un coup de foudre.

Un passage que j'aime beaucoup, parmi tant d'autres:

"J'ai beau me recroqueviller, me rouler en boule, me dissimuler toute entière sous mes couvertures, la peur, une peur comme je ne me rappelle pas en avoir connue depuis, se glisse vers moi, s'infiltre... C'est de là qu'elle vient... je n'ai pas besoin de regarder, je sens qu'elle est là partout... elle donne à cette lumière cette teinte verdâtre... c'est elle, cette allée d'arbres pointus, rigides et sombres, aux troncs livides... elle est cette procession de fantômes revêtus de longues robes blanches qui s'avancent en file lugubre vers des dalles grises... elle vacille dans les flammes des grands cierges blafards qu'ils portent...elle s'épand tout autour, emplit ma chambre... Je voudrais m'échapper, mais je n'ai pas le courage de traverser l'espace imprégné d'elle, qui sépare mon lit de la porte."