Mon premier George Sand... et j'ai attaqué par Indiana, une petite brique, que j'ai dévoré. Je ne résumerai pas l'intrigue, vous pouvez trouver ça sur le web facilement si cela vous chante; je n'aime pas toujours résumer les livres que je lis, je préfère en dire ce que je veux, comme cela me vient. En général lorsque qu'on me conseille un livre, je ne veux pas savoir l'histoire, mais plutôt le(s) thème(s) abordé(s), ou une idée générale, un survol, les grandes lignes... Si une personne que j'apprécie est pleine d'engouement pour un livre, il y a des chances que je finisse par le lire aussi, si je fais confiance à ses goûts bien sûr... C'est comme demander conseil à un animateur ou un bédéiste qu'on "méprise" pour regarder son propre travail, ça n'a pas de sens... "mais pourquoi suis-je allée lui demander son avis à celui-là"... (n'allez pas demander des conseils à ceux qui n'y connaissent rien, ou ceux qui font
des choses que vous ne trouvez pas terrible, vous allez vous tirer une
balle dans le pied). Mais là je m'égare, rien à voir avec lire des livres et en parler. J'y retourne.
C'est une histoire d'amour, ça c'est la chose à savoir. Étrangement, l'histoire ne m'a pas vraiment intéressée, pourtant j'aime les histoire d'amour et le romantisme, mais là, avec Indiana, le dénouement m'était complètement égal. Je dirais même que je n'avais pas la patience de m'y pencher. Ce que j'ai aimé, dans ce livre, c'est le ton. Un ton ironique, aigu, où le narrateur donne son point de vue sur les personnages, leurs actions, leurs mœurs, leurs émotions et leur place dans le monde. George Sand nous offre un regard sur la société bourgeoise de son époque. Elle met en avant la catastrophe des mariages arrangés, le malheur qui en découle (pour la femme comme pour le mari) et les erreurs auxquelles ils peuvent mener, mais aussi la naïveté des jeunes femmes mariées trop tôt, la condition des femmes, la dureté de jugement vis à vis d'autrui et l'hypocrisie. Le ton narquois avec lequel elle décrit tout ce beau monde avec leurs beaux sentiments pour l'amour, la politique, la famille et l'écriture est absolument délicieux. C'est ce ton qui m'a tenue en haleine. J'avais l'impression de rentrer dans un monde par une porte secrète et de rire de l'idiotie humaine. J'étais au théâtre des délires. Je pensais parfois à Flaubert, parfois au lyrisme, parfois au romantisme. L'écriture est superbe, bien que j'avoue ne pas avoir été capable de lire les pages où l'amour passionné d'un personnage envers un autre était énoncé. C'était bien trop praliné pour moi, et je pense que cet aspect long et exalté dans les "passages d'amour" était voulu par l'auteure. Je crois qu'elle désirait se moquer d'une certaine façon d'aimer. Il y un passage où le narrateur dit quelque chose du genre : les hommes qui parlent trop bien d'amour aiment mal. Je n'ai pas la phrase exacte... mais lorsque j'ai lu ça, j'ai bien ri et pensé "tu ne crois pas bien dire!". Sachant qu'un des personnages est manipulateur, égoïste et intéressé, lire son étalage d'amour m'était tout bonnement insupportable. Et la fin m'a surprise. Évidemment je sentais quelque chose allait enfin être révélé, mais la fin de tout cela... non. Donc, un roman piquant!
Un passage qui m'a fait vibrer de plaisir:
"Raymon s'était donc placé sur cette espèce de ligne mitoyenne entre l'abus du pouvoir et celui de la licence, terrain mouvant où les gens de bien cherchaient encore, mais en vain, un abri contre la tourmente qui se préparait. A lui, comme à bien d'autres cerveaux sans expérience, le rôle de publiciste consciencieux semblait possible encore. Erreur dans un temps où l'on feignait de déférer à la voix de la raison que pour l'étouffer plus sûrement de part et d'autre. Homme sans passions politiques, Raymon croyait être sans intérêts, et il se trompait lui-même; car la société, organisée comme elle l'était alors était favorable et avantageuse; elle ne pouvait pas être dérangée sans que la somme de son bien-être fut diminuée, et c'est un merveilleux enseignement à la modération que cette parfaite quiétude de situation qui se communique à la pensée. Quel homme est assez ingrat envers la Providence pour lui reprocher le malheur des autres, si pour lui elle n'a eu que des sourires et des bienfaits? Comment eût-on pu persuader à ces jeunes appuis de la monarchie constitutionnelle que la constitution était déjà vieille, qu'elle pesait sur le corps social et le fatiguait, lorsqu'ils la trouvaient légère pour eux-même et n'en recueillaient que les avantages? Qui croit à la misère qu'il ne connaît pas?"