"Dès son court-métrage (récompensé d'un César il y a quelques années), Emmanuel Finkiel (ancien assistant de Jean-Luc Godard et Kristof Kieslowski), nous mettaient face à face avec des rescapés des camps nazis. Ces visages dévastés, ces mains sillonnées, ces bras tatoués, Finkiel savaient déjà les filmer avec humilité et sobriété, sans artifice, presque «à distance», mais avec une humanité infinie. Son long-métrage, VOYAGES, récompensé aux César 2000 pour la meilleure première oeuvre de fiction et pour le meilleur montage, est une extension, un développement et un prolongement de son court-métrage. On y retrouve d'ailleurs quelques-uns des mêmes interprètes (tous non-professionnels), la même musique de la langue et des accents hébraïques, la même problématique: la difficulté pour les victimes de la Shoah de nouer des liens entre eux après la tragédie, leur profond sentiment d'isolement, leur peine irrévocable. Le titre VOYAGES raconte déjà d'une certaine façon des éclatements, des dispersions, des ermitages. Il évoque aussi, par la musicalité, l'idée de «voie», de «voix», et de «voir», mais également de «l'âge», et du «je», enfouie et imprégnée dans le film de Finkiel. Une oeuvre à grande part autobiographique mais résolument fictionnelle. Une fiction juste.
VOYAGES nous propose de suivre, de nos jours, les trajectoires de trois dames juives, marquées par leur emprisonnement dans des camps de concentration. Le film est divisé en trois parties, dans trois lieux différents: d'abord la Pologne, ensuite la France puis l'Israël. Trois portraits de femmes. Même s'il avoue aujourd'hui ne pas avoir choisi consciemment trois héroïnes, le spectateur ne peut que ressentir au fond un sentiment d'héritage, de chaleur et de naissance à la vision de ce triptyque féminin. Finkiel oppose pourtant inlassablement la femme à la mort, telle la première scène. Un groupe de rescapés arrivés en car visite un cimetière. La vieille dame, rare survivante d'Auschwitz, que l'on va apprendre à connaître dans le premier et le troisième fragment du film, reste un moment assise, seule, mais le groupe ainsi que son mari l'oublient et partent du cimetière sans elle, alors abandonnée et emprisonnée une nouvelle fois au milieu de la mort. La scène, stupéfiante, laisse entendre dans le fond des bruits stridents de machines et des craquements de bois. Bruits a priori anodins et logiques (on voit un employé débroussailler les mauvaises herbes autour des tombes), mais qui paraissent infiniment irréels et horribles pour cette femme, des sons infernaux venus d'un autre temps, comme si des fantômes revenaient à la surface."
(ref:http://www.cadrage.net/films/voyages/voyages.html)
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